Banque-assureur : la fusion des métiers est-elle encore crédible à l’ère de l’hyperpersonnalisation ?

Depuis les années 1980, le modèle de la bancassurance, qui consiste à distribuer des produits d’assurance via les réseaux bancaires, s’est imposé comme une stratégie gagnante pour de nombreux groupes financiers européens, en particulier en France. Toutefois, avec l’émergence de néoacteurs et la montée en puissance de l’hyperpersonnalisation des services, ce modèle traditionnel fait désormais face à de profonds bouleversements. La question se pose alors : le couple banque-assurance reste-t-il encore crédible face aux néoacteurs spécialisés ? 

Un modèle historiquement solide, mais aujourd’hui sous pression

La force du modèle bancassureur repose historiquement sur la mutualisation des bases clients, la réduction des coûts de distribution et la fidélisation via une offre packagée. En France, des acteurs majeurs tels qu’AXA, avec sa filiale AXA Banque, ou BNP Paribas, via Cardif, ont bâti leur succès sur cette synergie entre activité bancaire et offre assurantielle. Conçue autour de la standardisation des produits, cette approche répondait efficacement aux attentes d’une clientèle attachée à la simplicité, à la proximité et à la sécurité.

Cependant, cette approche a montré ses limites dans un contexte où les consommateurs exigent désormais des services sur mesure, disponibles immédiatement et adaptés à leur profil de risque personnel. L’ère de l’hyperpersonnalisation remet ainsi en cause les fondements mêmes de la bancassurance traditionnelle. 

L’essor des néoassureurs et la montée en puissance de la spécialisation

Les néoassureurs, ces acteurs 100 % digitaux tels que Luko ou Lovys, se positionnent sur des offres simples, ciblées et personnalisables. Leur agilité, leur capacité à intégrer l’intelligence artificielle et les données comportementales leur permettent de proposer une expérience utilisateur fluide, souvent supérieure à celle des établissements bancaires classiques.

Par exemple, les néoassureurs permettent aux clients de souscrire une assurance et personnaliser leurs contrats en quelques clics via une application mobile. Face à ces offres innovantes, les banques-assureurs apparaissent parfois comme rigides, voire déconnectés des nouvelles attentes.

L’enjeu crucial de la donnée et de l’expérience client

Dans ce nouvel environnement concurrentiel, la donnée devient un actif stratégique. Les banques disposent certes de volumes importants de données clients, mais celles-ci sont souvent cloisonnées entre les métiers bancaires et assurantiels, limitant ainsi une exploitation efficace.

À l’inverse, les néoacteurs conçoivent leurs parcours clients de manière unifiée, avec des plateformes centrées sur l’utilisateur et une logique de personnalisation en temps réel. Cela leur confère un avantage décisif en matière de réactivité et de pertinence de l’offre.

La bancassurance : un modèle hybride à réinventer

La crédibilité du modèle bancassureur ne doit pas être remise en cause en bloc, mais son avenir dépendra de sa capacité à se réinventer. La combinaison d’un réseau physique de confiance avec des services numériques personnalisés pourrait représenter une valeur ajoutée réelle, à condition de repenser l’approche centrée produit au profit d’une logique centrée client. 

Certaines initiatives vont dans ce sens et de nombreux assureurs réagissent en modernisant leurs offres et en investissant dans la technologie pour rivaliser avec ces néoacteurs. D’après AXA, les banque-assureurs proposent aujourd’hui des contrats de complémentaire santé modulables, permettant de sélectionner librement ses niveaux de garanties en hospitalisation, optique, dentaire ou soins courants, en réponse directe aux attentes de personnalisation des assurés (source : ce site). Des grands groupes testent des modèles hybrides, intégrant davantage de services digitaux, de prévention, voire de téléconsultation pour l’assurance santé, dans une approche plus intégrée et personnalisée.

De nouvelles pistes pour réinventer la bancassurance

Dans cette dynamique de transformation, l’open insurance (à savoir l'équivalent de l’open banking dans l'assurance) pourrait constituer une opportunité stratégique majeure pour les banque-assureurs. En s’ouvrant à des partenaires technologiques via, par exemple, des API sécurisées, ils peuvent enrichir leur écosystème de services et proposer des parcours clients interconnectés, plus fluides et plus adaptés aux usages numériques. 

Certaines banques explorent déjà des collaborations avec des insurtechs pour intégrer des services comme la déclaration de sinistres automatisée ou l’analyse prédictive des risques, créant ainsi des expériences différenciantes.

L’essor de la bancassurance affinitaire illustre également une piste d’évolution vers une hypercontextualisation des produits. Mais ce n'est pas tout : la montée de l’éthique dans l’usage des données pousse les acteurs traditionnels à construire une personnalisation responsable, combinant performance commerciale et respect de la vie privée.

Bon à savoir

D’après L’Argus de L’assurance, en 2024, les bancassureurs ont capté 66 % des cotisations en unités de compte (UC) sur le marché français de l'assurance vie. Cette performance s'explique par leur capacité à proposer des offres intégrées et accessibles via leurs réseaux bancaires, répondant ainsi aux attentes des épargnants en quête de solutions d'investissement diversifiées.

À l’ère de l’hyperpersonnalisation, la fusion des métiers banque-assurance reste pertinente, mais elle ne peut plus se permettre d’être figée dans des pratiques obsolètes. Pour rester crédible face aux néoassureurs spécialisés, elles doiventaccélérer leur transformation digitale, décloisonner leurs données et recentrer leur modèle sur l’expérience client. La réussite de cette mutation conditionnera leur capacité à maintenir leur position de leaders sur le marché de l’assurance.

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